S’inspirant des travaux de Karl Abraham sur la distinction au stade oral du stade précoce et du stade sadique, et en prenant appuie sur ses observations d’analyses de très jeunes enfants, Melanie Klein va élaborer sa théorie des positions schizo-paranoïde et dépressive. Selon la psychanalyste anglaise, l’enfant passe par plusieurs positions au cours de la première année : la position schizo-paranoïde et la position dépressive.
La notion de phantasme
Pour ceux qui seraient perturbés (et je sais qu’il y en a qui le seront), j’écris volontairement phantasme et non fantasme, afin de distinguer les phantasmes inconscients des fantasmes conscients.
Les phantasmes sont nos premiers processus mentaux. Nos premiers phantasmes ne portent que sur le ressenti de notre corps et celui du contact avec les corps des autres.
Les phantasmes sont les premiers représentants psychiques de nos pulsions de vie et de nos pulsions de mort :
- Nos premières défenses
- Nos premières satisfactions de désir
- Nos premiers contenus de l’anxiété
Le fonctionnement du phantasme est basé sur l’introjection, la projection, la satisfaction hallucinatoire et l’identification primaire. Les phantasmes s’élaborent au fur et à mesure des expériences de l’enfant dans le monde et sur un fondement génétique (ils sont préprogrammés).
Les phantasmes ne dépendent pas des mots, mais ils correspondent à notre première façon de mettre en image nos ressentis. Ils ont un effet sur notre corps et notre psychisme.
Le phantasme ne rencontre pas immédiatement la réalité extérieure. Nous utilisons les phantasmes inconscients pour nous adapter à la réalité et à sa pensée. L’apprentissage de l’enfant se fait en comparant régulièrement réalité et phantasme.
La position schizo-paranoïde
La première des positions éprouvée par le nourrisson est la position schizo-paranoïde. Elle s’étend du deuxième ou sixième mois du nourrisson. L’enfant perçoit la mère comme le « sein », autrement dit un objet partiel dans lequel seront projetées les pulsions de vie et les pulsions de mort de l’enfant.
C’est le mécanisme d’identification projective, mécanisme de défense qui a pour but d’expulser en l’autre par la projection, les mauvaises parties de soi qui ne parviennent pas à être contenues et qui ne sont plus supportables.
Pourquoi cette identification projective ? Parce que ressentir la destruction interne de la pulsion de mort est insupportable pour l’enfant qui est incapable de la décharger physiquement. Cette projection des pulsions rend le « sein » tantôt bon et satisfaisant, tantôt mauvais et frustrant. Le « sein » est adoré, idéalisé ou rejeté et détesté.
Melanie Klein appelle ce phénomène le « clivage de l’objet ». Ce clivage est consécutif aux éprouvés pulsionnels de l’enfant. La réalité extérieure vient également renforcer ces ressentis et cette projection.
Si la demande du nourrisson est satisfaite dans l’immédiat, le sein est perçu comme bon. Si la mère ne peut répondre à la demande immédiatement, le sein peut être perçu comme mauvais.
La position dépressive
La position dépressive succède à la position schizo-paranoïde. L’enfant reconnaît sa mère comme une personne unique. Le « sein » n’est plus bon ou mauvais : la mère est aimée et détestée selon qu’elle satisfait ou qu’elle frustre l’enfant.
La position amène l’ambivalence, changement fondamental par rapport à la position schizo-paranoïde caractérisée par le clivage. Cette ambivalence, à travers la haine éprouvée par l’enfant, provoque de la culpabilité chez lui : il déteste parfois jusqu’à vouloir détruire sa mère qu’il aime pourtant et dont il est dépendant.
L’enfant redoute la portée de sa haine car il craint que cette haine détruise réellement sa mère. Cette haine, cette culpabilité et cette angoisse entraînent des sentiments dépressifs chez l’enfant. L’introjection du bon objet, gratifiant, rassurant et sécurisant, permet à l’enfant de dépasser la position dépressive.
Eclairage kleinien sur les psychoses
Ces théories kleiniennes ont permis de mieux appréhender et comprendre les processus de formation de la psychose : la position schizo-paranoïde apporte des éléments de compréhension pour la schizophrénie et la paranoïa, la position dépressive pour la psychose maniaco-dépressive.
En effet, on peut vérifier que les mécanismes de défense que sont le clivage et le déni et les phantasmes qui leurs sont associés (phantasme d’absorption et phantasme cannibalique) sont déjà à l’œuvre dès les premiers mois de la vie.
De même, les défenses maniaques (phantasme de projection contrôle et phantasme d’engloutissement) sont bien présentes aussi. Elles sont là pour permettre au nourrisson de se défendre contre l’angoisse, la culpabilité et la dépression.
Au stade suivant, le stade anal, l’enfant traverse les mêmes positions phantasmatiques mais cette fois, c’est avec le père.