La psychose est une formation pathologique qui fait obstacle à la subjectivation et qui met en œuvre des mécanismes de défenses archaïques et des régressions massives. Pour bien comprendre ce que sont les psychoses, je vous propose de comprendre quelle est la place de la réalité dans cette structure psychique, quels mécanismes de défense sont massivement utilisés, ce qu’est la forclusion, et de décrire succinctement des différents types de psychoses.
Les origines de la psychose
Pour Melanie Klein, on est naturellement psychotique : on traverse tous une position qu’elle appelle schizoïde paranoïde. Certains restent dans cette position. Pour en sortir, il est nécessaire de passer par le processus de personnation, c’est-à -dire d’autonomisation du moi, de prise de conscience de l’individualité. Il s’agit de sortir de l’unipolarité pour aller vers la bipolarité objectale.
Pour Wilfred Bion, c’est parce que la mère n’a pas été suffisamment bonne, elle n’a pas assez développé sa capacité de rêverie.
L’origine peut être aussi de type organique. Les causes sont alors soit métaboliques et endocriniennes, infectieuses, cérébrales ou toxiques.
L’origine peut être aussi un traumatisme, un choc émotionnel.
Psychose et relation à la réalité
Comme vu dans un précédent article, dans la névrose, il y a un conflit entre le moi et le ça. Le sujet s’interdit de ressentir certains états, certaines émotions, de vivre certains désirs. Il y a échec du refoulement et c’est cet échec qui donne naissance à la névrose. Le sujet fuit la réalité, il se réfugie dans le fantasme, mais tout en respectant le principe de réalité. La réalité est légèrement modifiée.
Dans la psychose, le conflit se situe entre le moi et le monde extérieur. Le surmoi est faible et le ça envahit le moi. La réalité est rejetée et remplacée. La psychose révèle donc un rejet, une impossibilité pour le sujet d’appréhender, de prendre en compte la réalité extérieure : l’environnement, les objets de cet environnement, les exigences de toute vie sociale.
Le clivage et le déni
La prise en considération de la réalité, c’est-à -dire de l’environnement et des objets de cet environnement, des exigences sociales, concerne l’enfant, l’adolescent et l’adulte. Mais c’est au cours de la petite enfance que la réalité est rendue possible ou non.
La période archaïque et l’emploi excessif de mécanismes de défense peuvent poser les bases sur lesquelles se construira la psychose. L’utilisation exagérée et prolongée du clivage et du déni atteste du rejet de la réalité.
Le clivage est une scission, une rupture radicale entre deux aspects ou deux parties d’une même réalité. On dit que le sujet clive dès lors qu’il est ancré dans l’idée binaire : bien/mal, bon/mauvais. C’est la persistance d’un fantasme infantile vis-à -vis de la mère : distinction entre une bonne mère qui comble les besoins et une mauvaise mère qui ne comble pas les manques. Le monde est alors clivé entre :
- Plein et vide
- Absence et présence
- Agréable et désagréable
Le clivage a deux issues possibles : l’issue névrotique en fonction du développement de l’ambivalence, ou l’issue psychotique où le clivage devient étanche.
Le déni est un refus chez le sujet de reconnaître la réalité d’une perception traumatisante. Le sujet va effacer un pan entier de la réalité et la remplacer par un fantasme, une autre réalité, la sienne.
La forclusion
La forclusion est un terme qui a été introduit par Jacques Lacan qui traduit le déni ou le désaveu radical de la fonction du père. Le père est symboliquement le représentant de la Loi, du monde extérieur, du surmoi.
Au cours du stade du miroir, l’enfant se découvre être un individu à part entière, indépendant, détaché de sa mère, du corps de sa mère. Il va pouvoir développer sa capacité d’accumuler des expériences et celle de symboliser (transformer les représentations des expériences, des ressentis en symboles), capacités qui vont être certifiées, approuvées par la mère.
La forclusion va stopper le cumul des expériences et des potentialités symboliques. La « mère » a décidé que seul son désir prime. Dans un jeu de demandes/réponses, face à la mère, l’enfant sent que la demande ne se pose pas à la mère.
Dès lors, les expériences cumulées par l’enfant vont être perçues comme contraires au désir de la mère, empêchant toute individuation possible. Chaque élément de différenciation à la mère est rendu inférieur à la mère. Toute la réalité est inférieure au désir de la mère.
La solution est de tuer la réalité. L’enfant, n’étant pas reconnu en dehors du désir de la mère, disparaît. Il n’y a pas de séparation entre la mère et l’enfant. L’enfant perçoit que la mère est tout, prend tout. Les pulsions de distinction, d’agression vont naître mais non plus contre la réalité qui n’existe pas, mais contre la mère.
Les différentes psychoses
- La paranoĂŻa
Psychose qui se caractérise par le délire des grandeurs et de persécution. C’est la projection et l’attribution d’un affect propre au sujet sur la personne d’autrui qui fait toute la particularité de la psychose paranoïaque.
- La schizophrénie
Chez le schizophrène, la réalité extérieure n’existe plus, elle est remplacée par un monde interne. Il y a un désinvestissement total du monde extérieur. On trouve chez le schizophrène des fantasmes de destruction qui s’observent dans des phénomènes de dépersonnalisation ou des sentiments de grandeur, et des fantasmes de reconstruction du monde qui se remarquent dans les hallucinations et les délires.
- Les troubles bipolaires ou psychose maniaco-dépressive
C’est une psychose dans laquelle alternent les périodes de manie et de dépression. Elle se caractérise par un sentiment profond de désespoir, un état dépressif auqquel vient se substituer un sentiment de puissance, une énergie importante et une activité effrénée.
- La psychose blanche
C’est une psychose sans délire ni formation symptomatique manifeste.
Si les psychotiques ne peuvent pas faire un travail analytique, en revanche ils peuvent être accompagnés par un soutien thérapeutique dans un cadre bien défini qu’il faudra strictement respecter. C’est pourquoi, le psychanalyste ou le psychothérapeute se doit de bien connaître les psychoses. J’espère que cet article vous aura éclairé sur ce que sont les psychoses. Si vous avez des questions sur ce sujet, je vous invite à les poser en commentaire pour que je puisse y répondre.
Très bien expliqué ! Je comprends mieux la différence entre psychose er névrose. Merci pour ce partage très utile pour la compréhension de la bipolarité entre autre.
super interessant mais tellement subtil finalement qu’il est compliquĂ© de distinguer rĂ©ellement les diffĂ©rences entre telle ou telle psychose….
Merci en tout cas de vulgariser un peu tout cela
Merci pour cet article qui vulgarise un peu des termes qui ne sont pas souvent accessibles!
Très interessant. J’Ă©tudie actuellement la psychothĂ©rapie.
Merci pour cet article riche.
Bonjour je n’ai pas compris ce qu’est la psychose blanche ? Comment la diagnostiquer ? Un exemple pourrait m’aider.
Merci
La psychose blanche est une structure psychique, constituĂ©e d’un noyau psychotique mais qui ne se dĂ©clare pas comme une psychose, qui n’a pas les mĂŞmes signes de la psychose (hallucinations, perte de contact avec la rĂ©alitĂ©, voix intĂ©rieures). Ses caractĂ©ristiques sont plutĂ´t un vide de la pensĂ©e qui s’apparente Ă une dĂ©pression, une menace constante de l’angoisse de perte d’identitĂ©, une difficultĂ© Ă Ă©laborer sa pensĂ©e, une distanciation avec les affects, les Ă©motions. Je prĂ©pare une vidĂ©o sur les Ă©tats limites dans laquelle j’Ă©voquerai la psychose blanche.