Dans son texte L’inconscient, Freud affirme que “tout ce qui est refoulé doit demeurer inconscient, mais […] le refoulé ne recouvre pas tout ce qui est inconscient.” L’inconscient est un concept clé de la psychanalyse en ce que son exploration à travers la cure analytique permet de mieux comprendre le fonctionnement psychique de chaque individu et d’aider chacun à surmonter ses conflits internes. L’objectif de cet article est donc de vous expliquer ce qu’est l’inconscient, comment il fonctionne et pourquoi il est essentiel dans la pratique psychanalytique
Définition et origine du concept
Si Freud est le père de la psychanalyse et est celui qui, le premier, a théorisé l’inconscient, d’autres avant lui ont émit des hypothèses sur son existence. Il y eu Leibniz et ses petites perceptions, Schopenhauer et la volonté inconsciente, Nietzsche et l’illusion du moi rationnel, Mesmer et sa théorie du magnétisme animal, Charcot et son étude sur des patientes hystériques, Bernheim et la suggestion post-hypnotique, et Janet et la notion d’automatisme psychologique.
Avec Freud, il y a une rupture dans la conception de l’inconscient qui est considéré comme un système psychique structuré et autonome.
Freud définit l’inconscient selon trois points de vue :
1️⃣ topique : l’inconscient est la partie émergée de l’iceberg que constitue le système psychique (Conscient, Préconscient, Inconscient)
2️⃣ dynamique : animé par le principe de plaisir tout en étant confronté au principe de réalité, son objectif principal est de décharger au mieux les tensions accumulées dans ce conflit.
3️⃣ économique : il a un fonctionnement propre avec les pulsions, les représentations, le refoulement

Les caractéristiques de l’inconscient selon Freud
Freud attribue quelques caractéristiques à l’inconscient.
C’est le lieu des pulsions, des contenus refoulés (qui viennent autant de l’extérieur que de l’intérieur) et de la formation des symptômes suite à l’action du refoulement.
L’inconscient utilise des processus primaires : la condensation et le déplacement
➡️ La condensation est un processus par lequel plusieurs idées, images ou éléments psychiques se fondent en un seul. Cela se manifeste souvent dans les rêves sous forme de figures hybrides ou de mots-valises.
Exemple : Une personne rêve d’un personnage qui a à la fois le visage de son père et la posture de son professeur. Ce personnage condensé représente une superposition des deux figures d’autorité dans sa vie.
➡️ Le déplacement consiste à transférer l’intensité émotionnelle d’une représentation psychique importante vers une autre, moins menaçante. Cela permet à l’inconscient d’exprimer un désir refoulé de manière détournée.
Exemple : Quelqu’un ressent une forte colère envers son patron, mais ne peut pas l’exprimer directement. Cette personne rêve alors d’un conflit violent avec un inconnu ou un animal agressif, ce qui permet d’exprimer la tension sans affronter directement la figure réelle du patron.
Dans l’inconscient il n’y a ni doute ni causalité ni contradiction ni temporalité

L’inconscient chez Lacan : une structure langagière
Tout en rompant avec la théorie freudienne trop biologisante et psychologisante, Lacan apporte un autre regard sur l’inconscient.
Selon Lacan, “L’inconscient est structuré comme un langage”. Il s’appuie ici sur le Cours de linguistique générale de Saussure. De la linguistique, il retient que la langue est une structure dont les éléments sont gouvernés par des lois internes ; il va également lui emprunter l’idée selon laquelle le signe unit un concept (le signifié) à une image acoustique (le signifiant). Pour Lacan, c’est le signifiant qui nous gouverne.
Lacan va remplacer la condensation par la métaphore et le déplacement par la métonymie.
➡️ La métaphore, c’est désigner quelque chose par le nom d’une autre chose.
La métaphore est un processus de substitution : un signifiant est remplacé par un autre, créant ainsi un effet de sens nouveau.
Exemple : Une personne qui a perdu son père dit : « J’ai perdu mon soleil. » Ici, « soleil » remplace « père » en raison du rôle central et lumineux qu’il jouait dans sa vie. Cette substitution symbolique illustre le travail du signifiant dans l’inconscient.
Lien avec la condensation freudienne : Comme dans les rêves, plusieurs significations peuvent être condensées dans un même signifiant, produisant des formations riches en sens inconscient.
➡️ La métonymie permet de désigner un objet au moyen d’un terme que celui utilisé habituellement.
La métonymie est un processus de contiguïté : un élément est remplacé par un autre qui lui est associé par proximité dans une chaîne signifiante.
Exemple : Une personne amoureuse ne peut pas exprimer directement son désir pour quelqu’un, mais elle parle sans cesse d’un objet qui appartient à cette personne (par exemple, son écharpe, son parfum). Ici, l’objet devient le substitut du sujet désiré.
Lien avec le déplacement freudien : Comme dans les rêves ou les lapsus, le désir refoulé est détourné vers un élément associé, mais non directement menaçant pour la censure psychique.
À la différence de Freud pour qui les deux processus que sont la condensation et le déplacement sont caractéristiques du fonctionnement de l’inconscient et jouent un rôle central dans la formation des rêves, des lapsus et des symptômes névrotiques, pour Lacan, les deux mécanismes que sont la métaphore et la métonymie, sont essentiels dans la formation des symptômes, du langage et du désir inconscient : La métaphore structure le symptôme, tandis que la métonymie soutient la dynamique du désir en le maintenant toujours en mouvement.

Manifestations et accès à l’inconscient
L’inconscient se manifeste de différentes façons dans la vie psychique et quotidienne. Sigmund Freud a mis en évidence plusieurs phénomènes qui révèlent la présence et l’influence de l’inconscient : les lapsus, les actes manqués, les rêves, ainsi que les symptômes névrotiques. En psychanalyse, ces manifestations sont analysées pour permettre au sujet d’accéder à des contenus refoulés et d’élaborer un travail de transformation psychique.
Le rêve, voie royale vers l’inconscient
Freud qualifie le rêve de « voie royale » vers l’inconscient, car il constitue un espace privilégié où les désirs refoulés peuvent s’exprimer sous une forme déguisée. Dans L’Interprétation du rêve (1900), il démontre que le travail du rêve repose sur des processus primaires tels que la condensation et le déplacement, qui permettent aux pensées inconscientes de se manifester sous des formes symboliques.
Le rêve partage plusieurs caractéristiques fondamentales avec l’inconscient :
1️⃣ Aucune causalité : les enchaînements logiques y sont absents, les scènes et les éléments s’enchaînent sans explication rationnelle apparente.
2️⃣ Aucune temporalité : passé, présent et futur se mêlent sans distinction.
3️⃣ Aucune contradiction : le rêve peut associer des éléments opposés sans que cela pose problème.
4️⃣ Aucun doute : tout ce qui est présenté dans le rêve est pris pour réel.
L’analyse des rêves en psychanalyse permet de déchiffrer ces contenus inconscients et de révéler les conflits refoulés qui les sous-tendent.
Symptômes et actes manqués
Outre les rêves, l’inconscient s’exprime à travers des manifestations plus discrètes mais tout aussi révélatrices, telles que les symptômes névrotiques et les actes manqués.
➡️ Les symptômes : ils sont la conséquence d’un conflit psychique refoulé qui ne trouve pas d’issue autrement que par une formation symptomatique (angoisse, obsession, inhibition, conversion somatique, etc.). Le symptôme est un compromis entre le désir inconscient et la censure exercée par le moi et le surmoi.
➡️ Les actes manqués : ils englobent les lapsus, les oublis, les erreurs d’action ou de jugement. Freud montre qu’ils traduisent des intentions inconscientes qui échappent au contrôle du sujet. Par exemple, confondre un mot par un autre dans un discours peut révéler un désir ou une pensée refoulée qui cherche à se dire malgré la censure.
Association libre et transfert en psychanalyse
La psychanalyse offre un cadre permettant d’accéder aux contenus inconscients par des techniques spécifiques.
➡️L’association libre : cette méthode consiste à exprimer spontanément toutes les pensées qui viennent à l’esprit sans filtre ni jugement. Cette technique permet d’accéder progressivement aux représentations inconscientes en contournant les résistances du moi.
➡️ Le transfert : dans la cure analytique, le patient reporte sur l’analyste des affects et des conflits anciens. Ce déplacement affectif rejoue des relations passées et permet de mettre en lumière des dynamiques inconscientes refoulées.
En mettant en évidence ces manifestations, la psychanalyse cherche à lever les résistances psychiques et à permettre une élaboration symbolique des conflits refoulés. L’exploration de l’inconscient devient alors une voie de transformation psychique et de mieux-être pour le sujet.