Être psychanalyste aujourd’hui ?
Être psychanalyste aujourd’hui ?

Être psychanalyste aujourd’hui ?

Dans cet article un peu plus personnel, qui s’apparente à un billet d’humeur, je me suis confrontée à la question : qu’est-ce qu’être psychanalyste aujourd’hui ? C’est une question que l’on se pose très légitimement quand on est psychanalyste ou quand on souhaite le devenir. Elle permet de mieux comprendre en quoi consiste la psychanalyse, les enjeux auxquels elle doit répondre et s’il elle a encore toute sa place dans nos sociétés.

Qu’est-ce qu’être psychanalyste ?

Différences avec la psychiatrie et la psychologie

Être psychanalyste, ce n’est pas être psychiatre ni psychologue.
Même si un psychiatre ou un psychologue peuvent être aussi psychanalyste.
Le psychiatre et le psychologue sont des professions dites réglementées.
Ils exercent la psychothérapie qui est une pratique de soins, un traitement psychique du sujet.
Le psychiatre dispose également d’une autre approche thérapeutique : la pharmacologie.
Il est médecin et donc autorisé à délivrer des médicaments.
La psychanalyse est à la fois une théorie, une pratique et une méthode.
C’est la théorie du fonctionnement mental qui a été élaborée sur de nombreuses années par Freud.
C’est une méthode dans la mesure où elle aborde les productions mentales, individuelles ou collectives, d’une manière qui lui est propre.
La pratique se fait à travers la cure analytique, forme précise de psychothérapie.

La formation du psychanalyste

Peut-on être psychanalyste sans se former à la psychanalyse ?
Cela pourrait être le sujet d’un article complet.
Mais pour l’heure, je vais tenter de répondre à cette question brièvement.
Ma réponse est sans appel : non, on ne peut être psychanalyste sans se former à la psychanalyse.
Il est important de connaître ses théories et ses principaux concepts, sa méthode qui est particulière et de pratiquer l’analyse en tant qu’analysant, autrement dit en faisant soi-même l’expérience de la cure analytique.
Il y a ici plusieurs façons de se former : en suivant un cursus universitaire, en suivant une formation dans un institut ou une école (rattachés ou non à une fédération), et surtout en faisant une analyse didactique auprès d’un psychanalyste.

Pratiquer l’analyse

Être psychanalyste, c’est aussi à l’issue de sa formation, pratiquer l’analyse en tant que psychanalyste.
Cela signifie de choisir le cadre dans lequel on souhaite pratiquer : institutions ou cabinet libéral.
Cela implique aussi de se donner un cadre d’exercice, une déontologie.
Si la psychanalyse, en France, est dans la case des professions non réglementées, il n’en demeure pas moins qu’un cadre d’exercice doit être posé et respecté.
Pratiquer l’analyse, c’est non seulement recevoir, accompagner, analyser des patients qui ont fait le choix de la psychanalyse, mais c’est aussi poursuivre soi-même une analyse en tant qu’analyste auprès d’un psychanalyste qui supervise votre pratique.
Enfin, le psychanalyste continue de se former afin d’approfondir sa pratique.

Quels sont les enjeux de la psychanalyse aujourd’hui ?

Contre les tendances actuelles du développement personnel et du coaching

Celles et ceux qui me suivent sur ce blog ou sur ma chaîne YouTube, connaissent un peu ma position au sujet du développement personnel et du coaching.
Sans m’ériger de façon radicale contre le développement personnel et le coaching, leur pratique et surtout leurs intentions me posent question.
Une vie toujours plus positive, plus efficace, plus productive est le leitmotiv de ces approches bien souvent inductives, suggestives quand elles ne sont pas, pour certaines, carrément directives.
Le développement personnel et le coaching offrent des solutions à des problèmes qui n’existent pas, répondent à des questions que personne ne se pose, faisant de ces solutions et de ces réponses des objets de vente universels.
L’individualité du sujet finit par se perdre, se fondre dans des méthodes, des techniques, des exercices, des modèles conçus pour tous et réplicables à l’infini.
C’est, à mes yeux, une forme d’industrialisation, de taylorisme du bien-être.

Le questionnement permanent

La psychanalyse n’offre ni réponses ni solutions ni conseils.
Elle interpelle le sujet sur son individualité.
Elle le questionne sur sa relation à l’autre.
Elle l’interroge sur les conflits intérieurs qui l’habitent depuis si longtemps.
Elle ne cherche pas à le rendre plus comme ceci ou moins comme cela dans une perpétuelle comparaison aliénante.
Elle n’a pas non plus pour intention de faire émerger dans la conscience un soi autocentré.
Elle propose un questionnement permanent du désir de l’individu et une confrontation constante à la réalité.
Elle permet ainsi à l’individu de se révéler à lui-même l’origine de ses souffrances, de son mal-être, de ses frustrations, de sa colère, de sa tristesse.
S’ouvre alors à l’individu la possibilité de penser par lui-même et de refuser d’être assujetti à la pensée des autres.

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Prendre le temps

Être en analyse, c’est prendre le temps de parler, d’être écouté.e, de laisser aller ses pensées.
Il ne s’agit plus de courir après des idées pré-mâchées, pré-formatées, rassurantes mais infantilisantes.
Le temps de l’analyse devient un espace de parole.
L’analysant parle de ce qu’il veut.
Il n’y a pas de guérison attendue, pas de résultat à obtenir, d’objectif à atteindre.
La cure analytique ne s’envisage pas en termes de productivité ou d’efficacité.
Chaque analysant est différent et décide librement du temps dont il a besoin.
Alors, oui, c’est frustrant, ça donne parfois l’impression de ne pas avancer ni même de savoir où on va.
Il est très facile de se dire que c’est inutile, que ça ne sert à rien.
Mais c’est aussi réapprendre que la lenteur, la prise de recul sur les événements de sa vie, cela nécessite de prendre son temps.
Et c’est encore plus vrai dans nos sociétés où la vitesse, la rapidité sont de mise.

Est-ce une bonne idée de devenir psychanalyste ?

La société évolue, la psychanalyse aussi

Être psychanalyste aujourd’hui, ce n’est pas être psychanalyste comme du temps de Freud.
La psychanalyse a évolué et les sociétés aussi.
La théorie psychanalytique s’est développée et continue de le faire.
La méthode s’est adaptée aux nouveaux analysants qui ne sont pas les mêmes que ceux du début du 20ème siècle.
La pratique aussi a évoluée notamment avec l’introduction des nouvelles technologies et de la possibilité de proposer des séances en ligne.

Un investissement personnel conséquent mais durable

Il est vrai que devenir psychanalyste demande un engagement à la fois personnel et financier conséquent.
La cure analytique, à raison d’au moins une séance par semaine, sur plusieurs années, avant d’être autorisé.e à être soi-même psychanalyste, a un coût.
La formation dans une école ou un institut qui proposent généralement un cycle de formation de trois à cinq ans, peut représenter un montant assez important.
L’installation d’un cabinet libéral demande aussi un certain investissement financier.
Tout cela pour que vous vous retrouviez peut-être pendant des semaines, des mois, voire des années (j’exagère…) à attendre que l’on vous contacte pour un rendez-vous, mais qu’à l’issue de ce rendez-vous ce n’est pas d’une analyse dont a besoin cette personne.
Être psychanalyste peut se révéler être frustrant, stressant, de se retrouver dans une situation où la précarité n’est pas si loin que cela.
Mais c’est aussi se dire que c’est un investissement sur soi.
Cet investissement a un prix, vous coûte autant financièrement qu’en temps et en énergie.
Mais qui dit coût dit aussi valeur.
C’est donc aussi la valeur que vous vous donnez.

A-t-on encore besoin de la psychanalyse aujourd’hui ?

Plus que jamais !
Dans un monde qui va à 200 à l’heure, qui n’a d’autre obsession que le profit, où le sentiment d’insécurité est omniprésent, où la solidarité et l’équité sont remplacées par des individualismes de tout genre.
Nos sociétés sont malades, animées essentiellement par les pulsions de destruction quand ce ne sont pas celles de mort.
Les individus qui les composent sont confrontés aux violences du narcissisme et des perversions.
Au-delà de l’accompagnement que le psychanalyste d’aujourd’hui peut proposer à ces individus, c’est aussi l’espoir d’agir pour le collectif, de lui permet d’affronter les enjeux sociétaux qui l’attendent.


Si la psychanalyse est très facilement mise à mal, critiquée (parfois violemment), remise en question, il s’agit alors de se demander pour quelles raisons. Être psychanalyste aujourd’hui c’est, selon moi, être radicalement animé.e par les pulsions de vie ; accepter que, de même qu’un arbre n’a jamais poussé en une heure, une heure ne sera jamais suffisante pour devenir psychanalyste.

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