« Cinq leçons de psychanalyse », paru dans sa traduction française en 1921 aux Ă©ditions Payot, est le compte-rendu d’une confĂ©rence que Sigmund Freud a tenue en 1909 Ă la Clarck Univertsity. Cet Ă©crit est considĂ©rĂ© comme un abrĂ©gĂ© de psychanalyse qui permet Ă tout novice d’apprĂ©hender sans difficultĂ© les notions clĂ©s. Il est donc vivement recommandĂ© Ă qui s’intĂ©resse Ă la psychanalyse, de commencer par cet ouvrage, mais de ne pas se contenter de cette seule lecture, ce texte, du fait de la condensation des notions, ayant tendance Ă occulter toutes les autres thĂ©ories qui ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©es tant par Freud lui-mĂŞme que par ces successeurs.
Première leçon
Freud attribue la naissance de la psychanalyse au Dr Breuer qui
« appliqua pour la première fois ce procĂ©dĂ© au traitement d’une jeune fille hystĂ©rique » (p.9),
traitement dont Freud nous raconte l’histoire. Cette jeune fille de 21 ans souffre d’hystĂ©rie,
« état capable de simuler tout un ensemble de troubles graves, mais qui ne met pas la vie en danger et qui laisse espérer une guérison complète » (p.10).
Le Dr Breuer applique Ă sa patiente un traitement cathartique. La patiente va lui raconter des rĂŞveries, discours qui progressivement va toucher le cĹ“ur du symptĂ´me en Ă©voquant l’origine du traumatisme, ce qui lui permettra de faire disparaĂ®tre ses troubles. Il s’agit d’une vĂ©ritable cure de paroles ou talking cure. Ainsi Breuer put constater que
« les symptĂ´mes Ă©taient, pour ainsi dire, comme des rĂ©sidus d’expĂ©riences Ă©motives que, pour cette raison, nous avons appelĂ© plus tard traumatismes psychiques ; leur caractère particulier s’apparentait Ă la scène traumatique qui les avait provoquĂ©s » (p.14).
Ce sont les réminiscences :
« les hystĂ©riques souffrent de rĂ©miniscences. Leurs symptĂ´mes sont les rĂ©sidus et les symboles de certains Ă©vĂ©nements (traumatiques). […] Non seulement ils se souviennent d’Ă©vĂ©nements douloureux passĂ©s depuis longtemps, mais ils y sont encore affectivement attachĂ©s ; ils ne se libèrent pas du passĂ© et nĂ©gligent pour lui la rĂ©alitĂ© et le prĂ©sent » (p.16-17).
Les hystériques vivent avec des affects, avec des émotions très fortes qui ont été refoulées.
« Ces affects coincĂ©s ont une double destinĂ©s. TantĂ´t ils persistent tels quels et font sentir leur poids sur toute la vie psychique, pour laquelle ils ont une source d’irritation perpĂ©tuelle. TantĂ´t ils se transforment en processus physiques anormaux, processus d’innervation ou d’inhibition (paralysie), qui ne sont pas autre chose que les symptĂ´mes physiques de la nĂ©vrose. C’est ce que nous avons appelĂ© l’hystĂ©rie de conversion » (p.19).
Freud nous explique en quoi il est important d’accorder un intĂ©rĂŞt particulier aux Ă©tats de conscience. Dans chaque individu, il y a plusieurs groupements psychiques qui ignorent tout les uns des autres.
« Si dans un tel dĂ©doublement de la personnalitĂ©, la conscience reste constamment liĂ©e Ă l’un des deux Ă©tats, on nomme cet Ă©tat : l’Ă©tat psychique conscient, et l’on appelle inconscient celui qui en est sĂ©parĂ© » (p.20).

Deuxième leçon
Freud explique comment il est venu Ă se dĂ©tacher des thĂ©ories de Breuer. Comme il n’arrive Ă mettre en Ă©tat d’hypnose qu’une petit partie de ses patients, il dĂ©cide d’abandonner le traitement cathartique :
« je n’aimais pas l’hypnose ; c’est un procĂ©dĂ© incertain et qui a quelque chose de mystique » (p.25).
Il procède alors par suggestion en convoquant ses patients Ă parler, ainsi que par apposition des mains sur le front pour ĂŞtre davantage convainquant. Si cette mĂ©thode ne pouvait s’imposer comme une technique dĂ©finitive, il n’en reste pas moins que pour Freud
« la preuve Ă©tait faite que les souvenirs oubliĂ©s ne sont pas perdus, qu’ils restent en la possession du malade, prĂŞts Ă surgir, associĂ©s Ă ce qu’il sait encore. Mais il existe une force qui les empĂŞche de devenir conscients » (p.26).
Cette force c’est la rĂ©sistance qui empĂŞche le refoulĂ© de faire surface. Car il y a en amont un processus de refoulement qui a pour fonction de protĂ©ger la personne psychique, c’est un processus qui vise à « accepter » un dĂ©sir
« qui s’est trouvĂ© en complète opposition avec les autres dĂ©sirs de l’individu, inconciliable avec les aspirations morales et esthĂ©tiques de sa personne. Un bref conflit s’est ensuivi ; Ă l’issue de ce combat intĂ©rieur, le dĂ©sir inconciliable est devenu l’objet du refoulement, il a Ă©tĂ© chassĂ© hors de la conscience et oubliĂ© » (p.26-27).
La dissociation psychique évoquée au cours de la première leçon est expliquée
« par le conflit de deux forces psychiques, nous voyons en elle le rĂ©sultat d’une rĂ©volte active des deux constellations psychiques, le conscient et l’inconscient, l’une contre l’autre » (p.28).
Le refoulement est un moyen temporaire de résoudre un conflit, mais il se prolonge bien trop souvent,
« le dĂ©sir refoulĂ© continue Ă subsister dans l’inconscient, […] l’idĂ©e refoulĂ©e est remplacĂ©e dans la conscience par une autre qui lui sert de substitut, d’ersatz, […] au lieu d’un court conflit, intervient maintenant une souffrance continuelle » (p.30).
Le rôle du psychanalyste est de permettre une réintégration du refoulé dans la conscience et de permettre au patient de trouver un meilleure solution que celle du refoulement.
« TantĂ´t le malade convient qu’il a eut tort de refouler le dĂ©sir pathogène et il accepte totalement ou partiellement ce dĂ©sir ; tantĂ´t le dĂ©sir lui-mĂŞme est dirigĂ© vers un but plus Ă©levĂ© et, pour cette raison, moins sujet Ă critique (c’est ce que je nomme la sublimation du dĂ©sir) ; tantĂ´t on reconnaĂ®t qu’il Ă©tait juste de rejeter le dĂ©sir, mais on remplace le mĂ©canisme automatique, donc insuffisant, du refoulement par un jugement de condamnation morale rendu avec l’aide des plus hautes instances spirituelles de l’homme ; c’est en pleine lumière qu’on triomphe du dĂ©sir » (p.31).



Troisième leçon
Freud s’appuie sur le principe du dĂ©terminisme psychique qu’il attribue Ă C. G Jung, pour expliquer comment le refoulĂ© arrive Ă la conscience, sous quelles formes il surgit. Ainsi,
« l’idĂ©e surgissant dans l’esprit du malade, est, par rapport Ă l’Ă©lĂ©ment refoulĂ©, comme une allusion, comme une traduction de celui-ci dans un autre langage » (p.34),
comme le mot d’esprit. Au moyen de l’association libre des idĂ©es et en partant des souvenirs des patients, le psychanalyste peut atteindre le refoulĂ©. L’interruption des associations libres est le signe qu’une rĂ©sistance, d’un jugement critique que peut avoir le patient face Ă une idĂ©e qui survient. Le psychanalyste doit alors rappeler Ă son patient que l’association libre des idĂ©es est la règle fondamentale. Ce n’est pas le seul moyen d’accĂ©der Ă l’inconscient :
« Deux autres procĂ©dĂ©s conduisent au mĂŞme but : l’interprĂ©tation des rĂŞves et celle des erreurs et des lapsus» (p.37).
L’interprĂ©tation des rĂŞves est
« la voie royale de la connaissance de l’inconscient » (p.38).
Nous avons tendance Ă mĂ©priser nos rĂŞves, Ă les oublier très vite, car ils nous apparaissent souvent Ă©tranges, incohĂ©rents, impudiques, immoraux. C’est que
« les rĂŞves des adultes ne sont, comme ceux des enfants, que l’accomplissement des dĂ©sirs de la veille » (p.39),
des dĂ©sirs inavouables ou incompatibles avec la pensĂ©e de l’individu. C’est pourquoi,
« les rĂŞves des adultes sont le plus souvent incomprĂ©hensibles et ne ressemblent guère Ă la rĂ©alisation d’un dĂ©sir. […] c’est qu’ils ont subi une dĂ©figuration, un dĂ©guisement. Leur origine psychique est très diffĂ©rente de leur expression dernière » (p.39).
Freud suggère alors de distinguer les deux part du rĂŞve : il y a le contenu manifeste du rĂŞve, c’est-Ă -dire le rĂŞve tel qu’il se manifeste Ă nous quand nous nous rĂ©veillons, et les idĂ©es oniriques latentes qui prĂ©sident au rĂŞve dans l’inconscient. Le premier est une forme altĂ©rĂ©e des secondes et
« cette altĂ©ration est l’œuvre d’un « moi » qui se dĂ©fend ; elle naĂ®t de rĂ©sistances qui interdisent absolument aux dĂ©sirs inconscients d’entrer dans la conscience Ă l’Ă©tat de veille ; mais, dans l’affaiblissement du sommeil, ces forces ont encore assez de puissance pour imposer du moins aux dĂ©sirs un masque qui les cache » (p.40).
Afin de pouvoir atteindre le contenu latent des rĂŞves, il est nĂ©cessaire de pratiquer l’analyse des rĂŞves. Dans un premier temps, il s’agit de considĂ©rer le contenu manifeste du rĂŞve
« comme la réalisation déguisée de désirs refoulés » (p.41).
Puis de comprendre par quels processus les idées oniriques latentes se transforment en contenu manifeste : il y en a deux, la condensation et le déplacement.
« Par le rĂŞve, c’est l’enfant qui continue Ă vivre dans l’homme, avec ses particularitĂ©s et ses dĂ©sirs, mĂŞme sont qui sont devenus inutiles » (p.41).
L’autre procĂ©dĂ© qui permet d’atteindre l’inconscient, c’est l’analyse des actes manquĂ©s : les oublis, les lapsus (linguae et calami), les erreurs, les maladresses, les pertes d’objets.
« Ils ont un sens et sont, la plupart du temps, faciles Ă interprĂ©ter. […] ils expriment, eux aussi, des pulsons et des intentions que l’on veut cacher Ă sa propre conscience » (p.43).
Quatrième leçon
Dans cette quatrième leçon,Freud fait Ă©tat de ce que les techniques psychanalytiques ont rĂ©vĂ©lĂ© sur les dĂ©sirs refoulĂ©s des nĂ©vrosĂ©s. La première chose qu’il a pu constater c’est que
« les troubles de la vie sexuelles [sont] une des causes les plus importantes de la maladie » (p.47).
Et c’est dans la vie sexuelle infantile du patient qu’il faut aller chercher le traumatisme initial.
« Ce n’est qu’en dĂ©couvrant ces Ă©vĂ©nements de l’enfance que l’ont peut expliquer la sensibilitĂ© Ă l’Ă©gard des traumatismes ultĂ©rieurs, et c’est en rendant conscients ces souvenirs gĂ©nĂ©ralement oubliĂ©s que nous en arrivons Ă pouvoir supprimer les symptĂ´mes. […] ce sont les dĂ©sirs inĂ©luctables et refoulĂ©s de l’enfance qui ont prĂŞtĂ© leur puissance Ă la formation de symptĂ´mes sans lesquels la rĂ©action aux traumatismes ultĂ©rieurs aurait pris un cours normal » (p.49).
Il s’agit alors d’admettre qu’il existe une sexualitĂ© infantile, sexualitĂ© complexe qui n’est pas encore au service de la reproduction et qui
« sert à procurer plusieurs sortes de sensations agréables » (p.51).
La première phase de cette sexualitĂ© infantile est l’auto-Ă©rotisme : l’enfant se procure du plaisir au moyen de l’excitation de zone Ă©rogènes de son corps comme la bouche, l’anus, l’urètre, la peau. Ă€ cette activitĂ© auto-Ă©rotique s’associe le plaisir sexuel que Freud appelle libido. S’opère alors le choix de l’objet qui fait entrer en jeu une personne Ă©trangère Ă lui-mĂŞme et sur laquelle va porter son dĂ©sir. Ce
« dĂ©sir d’une personne Ă©trangère chasse l’auto-Ă©rotisme, de sorte que, dans la vie amoureuse, toutes les composantes de l’instinct sexuel tendent Ă trouver leur satisfaction auprès de la personne aimĂ©e » (p.53).
Les premiers objets de dĂ©sirs de l’enfant sont ses parents et plus particulièrement le père pour la fille et la mère pour le garçon. Les sentiments qu’Ă©prouve l’enfant sont alors Ă la fois tendres et hostiles.
« Le complexe ainsi formĂ© est condamnĂ© Ă un refoulement rapide ; mais, du fond de l’inconscient, il exerce encore une action importante et durable » (p.56).
Il s’agit du complexe d’Oedipe que la barrière de l’inceste vient repousser car
« il ne faut pas que sa libido reste fixĂ©e Ă ces premiers objets ; elle doit se contenter de les prendre plus tard comme modèles et, Ă l’Ă©poque du choix dĂ©finitif, passer de ceux-ci Ă des personnes Ă©trangères » (p.57).
Cinquième leçon.
Les individus ont une propension naturelle Ă s’Ă©loigner de la rĂ©alitĂ© eu Ă©gard au refus de satisfaire leurs besoins Ă©rotiques.
« Nous voyons alors qu’ils se rĂ©fugient dans la maladie, afin de pouvoir, grâce Ă elle, obtenir les plaisirs que la vie leur refuse » (p.59).
Il s’opère alors une rĂ©gression qui permet Ă l’individu un
« retour Ă l’enfance et rĂ©tablissement d’une Ă©tape infantile de la vie sexuelle » (p.60).
Le patient a par ailleurs besoin du processus de transfert. Le transfert permet au patient de déverser
« sur le mĂ©decin un trop-plein d’excitations affectueuses, souvent mĂŞlĂ©es d’hostilitĂ©, qui n’ont leur source ou leur raison d’ĂŞtre dans aucune expĂ©riences rĂ©elles » (p.61).
Que faire alors de ce trop-plein, des dĂ©sirs inconscients libĂ©rĂ©s ? Le premier moyen consiste Ă tout simplement adopter une rĂ©flexion critique sur cet Ă©lĂ©ment du passĂ© revenu Ă la conscience au cours du traitement : l’esprit alors mature du patient admettra que si ce dĂ©sir ne pouvait ĂŞtre maĂ®trisĂ© durant l’enfance, il doit l’ĂŞtre Ă prĂ©sent qu’il est adulte. Un autre moyen est la sublimation :
« les dĂ©sirs infantiles peuvent manifester toutes leurs Ă©nergies et substituer au penchant irrĂ©alisable de l’individu un but supĂ©rieur situĂ© parfois complètement en dehors de la sexualitĂ© » (p.65). Enfin le troisième moyen suppose « qu’un certain nombre des tendances libidinales refoulĂ©es soient directement satisfaites et que cette satisfaction soit obtenue par les moyens ordinaires » (p.65).
Avez-vous déjà lu des ouvrages du père de la psychanalyse ? Venez en parler en commentaire.