Le transfert et le contre-transfert sont les deux piliers du cadre analytique. J’ai bien écrit « du cadre analytique » et non de la cure. Car si ces deux processus sont importants dans la cure du patient, seul le cadre analytique du psychothérapeute est le garant de leur mise en place. Tandis que le patient baigne, nage, flotte dans sa cure, le psychothérapeute se pose sur la côte en gardien du phare, afin que le patient n’échoue ni ne se noie. Certains transferts sont parfois difficiles à s’installer. Est-ce que cela veut dire que seul le psychothérapeute est responsable de cette difficulté ? Pas nécessairement, d’autant qu’il peut aider le patient à convaincre ses résistances de céder au transfert, avec tact, bienveillance, parfois avec une certaine minutie, précision de joaillier, d’horloger, tout est question de temps, de rythme, et chaque patient a le sien propre.

Au bord du vide, le transfert pour guide

Il y a d’abord le transfert, pourrait-on dire. Il y a d’abord et avant le transfert le patient, une individualité, paradoxale indivisible dualité, unique, originale, qui débarque dans une cure dont il ne connaît pas encore le cadre : un vaste tableau qu’il s’agit de dé-peindre puis de peindre, avec pour seules limites les bords qui résistent.

Le patient entre donc en scène dans le cadre de la cure avec ses résistances, il entre dans la lumière du cadre analytique qui dans un premier temps lui paraît encore obscure : il ne s’agit pas de faire peur aux résistances, de réduire les bords du tableau.

Sur la toile, se dessinent des corps, ceux du patient, les mouvements de ses corps dans le temps, leur histoire qui raconte, témoigne des traumatismes, des défenses, des souffrances, des relations aux existences. Les corps se dévoilent et s’estompent sans jamais vraiment s’effacer, certains mouvements semblent déjà se répéter, mais quelque chose s’échappe, fuit. C’est le transfert qui se laisse parfois contenir par les résistances et se refuse à toute esquisse.

Le psychothérapeute n’est pas dupe, avec ses questions qui ne sont en vérité que des interrogations, des suspensions sur le fil du doute, il pose délicatement une mine friable sur la toile et s’évertue à tracer l’esquisse de son patient, une esquisse inversée afin de trouver le point ultime, celui sur lequel il s’agit de faire converger les résistances, un minuscule petit point de répétition, dans lequel un nœud ne cesse de se serrer.

Les résistances sont à la fois des alliées et des déliées, des pleins et des vides, qu’il s’agit de cerner sans se laisser encercler. Elles indiquent les différents chemins que l’inconscient tente de prendre pour se rendre en terre de conscience. Elles sont là bien avant la possibilité d’un transfert, elles sont tapis derrière l’intention, l’envie d’appeler le psychothérapeute pour prendre un premier rendez-vous. A moins que le transfert ne les ai déjà devancées, dans le choix du psychothérapeute par exemple. Il y a comme un jeu de course entre les résistances et le transfert.

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J’écris le transfert, mais il s’agit plutôt des transferts, il n’y a pas qu’un seul et unique transfert possible, mais une multitude, et ils ne seront pas seulement positifs ou négatifs, maternels ou paternels, mais pourront se révéler, être, devenir, affectifs, corporels, intellectuels, spirituels, fusionnels, offensifs, défensifs, dystopiques, uchroniques, symboliques.

Les cadres mouvants du contre-transfert

Et le contre-transfert dans cette course circulaire, cette pétition de principe, cette répétition princeps ? C’est le pinceau plein d’encres du psychothérapeute qui frôle la toile du patient sans jamais la toucher, le tableau du psychothérapeute qui se laisse modifier par la palette de couleurs émotionnelles du patient, le diluant qui ajoute cette texture particulière au cadre analytique. Le contre-transfert est contre le transfert pour le soutenir comme un contrefort qui viendrait contenir la poussée des pulsions afin d’éviter la décompensation.

Le contre-transfert est ce travail analytique du psychothérapeute avant, pendant et après la cure du patient qui lui permet principalement de saisir que son propre tableau, sa propre toile ne sont pas achevés et que c’est précisément cet inachèvement qui lui permet de se laisser porter par le transfert à l’œuvre chez le patient.

Le cadre analytique fixe temporairement le contre-transfert – il fait partie intégrante du cadre – et le laisse se dessiner, s’affiner au fur et à mesure que le patient avance dans son analyse personnelle, que le psychothérapeute travaille dans sa supervision. Il y a autant de cadres analytiques, de transferts et de contre-transferts qu’il y a de thérapeutes, de patients et de séances. C’est un nouveau tableau, une nouvelle esquisse, une nouvelle palette à chaque séance.

Dans les espaces analytiques la liberté à retrouver n’est pas la même selon les transferts et contre-transferts qui se jouent, car il ne s’agit pas seulement de symptômes, de souffrances, de troubles à traiter voire à guérir, il ne s’agit même plus de cela quand le patient prend conscience de l’étendue de sa toile et de la richesse des couleurs qu’il a à sa disposition.

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